Homélie de S.E. Mgr Paul Richard Gallagher,
Secrétaire pour les Relations avec les États et les Organisations Internationales
Solennité de la Pentecôte
Église Saint-Louis-des-Français,
Dimanche 19 mai 2024 à 10.30 heures
[Lectures : Actes des Apôtres (2, 1-11) ; Galates (5, 16-25) ; Psaume 103 (104) ; Jean (15, 26-27 ; 16, 12-15)].
Madame La Ministre,
Madame l’Ambassadrice de France près le Saint-Siège,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mgr. Bréguet, Recteur de Saint-Louis-des-Français
Chers prêtres, religieux et religieuses
Chers frères et sœurs,
Nous voici rassemblés en l’Église Saint-Louis-des-Français pour célébrer l’Eucharistie et le don de l’Esprit-Saint : la Solennité de la Pentecôte, un moment fraternel et beau que je me réjouis de fêter avec vous. Et je voudrais remercier chaleureusement Monseigneur Laurent Bréguet pour cette invitation.
Aujourd’hui s’achève le temps pascal, temps qui redit la source de notre foi : le Christ est ressuscité ! La Résurrection du Christ trouve son plein accomplissement par le don de l’Esprit. Et cet avènement se manifeste de manière éclatante, nous invitant tous, à devenir pleinement participants de la nouvelle création inaugurée par le Christ Ressuscité. Aujourd’hui aussi, le vent de la Pentecôte souffle sur nous pour nous plonger, nous entraîner à la suite du Christ, à la suite de son amour pour le Père et pour l’humanité.Aujourd’hui encore, les langues de feu sont posées sur chacun d’entre nous pour dire à ceux qui nous entourent qu’un feu nous habite, un feu qui couve et qui ne demande qu’à surgir, parce qu’il est la vie, vie offerte et promise à tout homme et à toute femme.
Comme un fort coup de vent, le don de l’Esprit vient bousculer nos existences et faire voler en éclat nos habitudes et nos certitudes. Parce qu’il est souffle de vie, souffle qui renouvelle tout l’univers, il a la capacité de traverser les murs de l’habitation même des Apôtres. Sa puissance créatrice va bien au-delà des murs : elle désire changer nos cœurs de pierre en cœurs de chair. Si nous nous laissons guidés par l’Esprit-Saint, nous sommes amenés à changer notre façon de vivre.
L’Apôtre Paul énumère longuement les fruits de la chair et celui de l’Esprit. Leur opposition est totale. Il s’agit bel et bien de passer des ténèbres de la mort à la lumière de la Vie avec Dieu. Il n’y a pas de place pour les compromis boiteux. Les « tendances égoïstes de la chair » sont inconciliables avec les « tendances de l’esprit ». « Ceux qui sont au Christ Jésus ont crucifié en eux la chair, avec ses passions et ses tendances égoïstes». Ils doivent se laisser conduire par l’Esprit-Saint. Un cœur de chair est un cœur qui se laisse entièrement transformer, transfigurer par l’Amour miséricordieux et gratuit de Dieu. Seul un tel Amour peut faire de chacun de nous, des créatures nouvelles entièrement renouvelées par le Christ ressuscité.
Chers amis, l’évangéliste Jean nous rappelle comment Jésus précise ce que sera le cahier de charge de l’Esprit-Saint qu’il appelle le « Défenseur ». Il a pour charge d’enseigner, de rappeler, de témoigner, de faire sortir des ténèbres, de l’ignorance pour nous « conduire dans la vérité toute entière ». Le petit noyau, que Jésus avait laissé derrière, vit dans la peur des Autorités civiles et religieuses. Ils se déguisent parfois pour sortir. Leur avenir n’est pas certain. Bien sûr, ils ont tous vu le Seigneur ressuscité, mais ils n’osent pas en parler en dehors de leur petit cercle. Ils seraient restés verrouillés dans leur cachette, n’eût été la venue de l’Esprit-Saint.
La Pentecôte marque un nouveau départ dans l’œuvre de Jésus-Christ. La Pentecôte est un événement qui se répète parce que l’Église a besoin d’une Pentecôte perpétuelle : c’est tous les jours que notre cœur a besoin d’être empli par l’Esprit-Saint pour bousculer nos existences, pour nous faire sortir de nos fermetures, pour nous faire « communiquer au monde entier l’amour miséricordieux du Seigneur » (Pape François, 24 mai 2015).
L’Esprit, ce Souffle de la Vie, restera toujours, pour nous, le Consolateur et le Défenseur pour pouvoir vivre au milieu d’une époque difficile, contrariante et même souvent ennemie de l’autre. Il est le défenseur et le consolateur des chrétiens persécutés. Nous savons qu’ils sont de plus en plus nombreux dans le monde. Nous pensons à tous ceux et celles du Moyen Orient, de l’Afrique, de l’Asie et de nombreux pays. Le Seigneur nous assure de sa présence, tous les jours et jusqu’à la fin du monde. Il ne nous abandonne jamais, même dans les situations les plus désespérées.
Et pour faire de la place pour cet hôte doux dans notre vie, cela demande un cœur qui écoute, un esprit disponible et non encombré, une âme ouverte. Tout au long de nos journées, revenir à l’intérieur de soi, faire silence, prier et partager notre vie dans une Alliance sereine et féconde. C’est ainsi que nous pourrions vivre une libération, une sortie de nos cénacles étriqués, de nos prisons dorées, de nos certitudes, de nos préjugés et de nos vieux schémas théologiques pour rejoindre le Christ sur les routes de la Galilée du monde, pour trouver le Christ « dans les joies, les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent » (Gaudium et Spes).
Ainsi, ayant reçu la force de l’Esprit, nous n’avons plus le droit de garder pour nous seuls la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. L’Esprit que nous avons reçu, nous pousse à l’engagement. Il nous donne le courage de prendre la parole et de témoigner, au cœur de ce monde, de l’Espérance qui nous anime. C’est comme un feu qui brûle dans nos cœurs et que rien ne peut éteindre. Plus tard, saint Paul dira : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Cor 9, 16), et saint Pierre : « Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous » (1 P 3, 15), et saint Jean-Paul II : « Celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l’annoncer » (Novo Millennio Ineunte, 40, 6 janvier 2001).
Chers amis, ouvrons nos cœurs à la puissance transformative de l’Esprit-Saint. Invitons l’Esprit à nous renouveler et à nous sanctifier, à embraser nos cœurs d’amour pour Dieu et pour notre prochain. Que l’Esprit-Saint nous guide dans notre discernement, nous fortifie dans nos faiblesses et nous inspire à être des témoins fidèles de l’Évangile. Prions pour une effusion nouvelle de l’Esprit-Saint sur nos communautés, sur nos espaces de travail, afin que nous puissions être une flamme d’amour et source de lumière et d’espoir, dans un monde souvent plongé dans les ténèbres.
Nous enfermerons-nous en nous-mêmes, dans le groupe de ceux qui nous ressemblent ? Ou laisserons-nous l’Esprit nous ouvrir à l’inconnu ? Que chacun dans l’Église, dans nos différents charismes et communautés, se tourne vers le Père et demande ce don. Aujourd’hui comme à sa naissance, invoquons avec l’Église : Veni Sancte Spiritus ! Viens, Esprit-Saint, pénètre le cœur de tes fidèles ! Qu’ils soient brûlés du feu de ton amour ! Pousse-nous à ouvrir les portes pour sortir, annoncer et témoigner la joie de l’Évangile, de la rencontre de Celui qui nous donne son feu et cette impérissable joie.
Si nos contemporains manifestent trop souvent de la morosité, ne serait-ce pas parce qu’au lieu de la joie de la vérité, ils s’imprègnent de la tristesse d’une pensée vagabonde, nourrie de fake news, comme on dit maintenant ? Demandons à l’Esprit-Saint, comme le fait la conclusion de la Séquence, que nous venons de chanter de nous donner la joie éternelle : « Da perenne gaudium ». Accueillons cet Esprit de vérité et de joie, accueillons le joyeux message de l’Évangile et celui de l’Église, et répandons autour de nous cette vérité et cette joie dont nous avons la grâce de bénéficier.
Chers amis, demain, lundi de Pentecôte, un jour pour prier et célébrer la mémoire de Marie, Mère de l’Église, nous invite aussi à la joie, en célébrant celle qui est « causa nostræ laetitiæ ». Nous nous confions spécialement à sa tendresse. Qu’Elle aide chacun de nous à porter les bons fruits de l’Esprit pour devenir de plus en plus témoins de l’Amour du Père ! Amen.