Saint-Louis des Français pendant la Révolution, le Consulat et l’Empire d’après le registre des entrées, sorties et paiements des chapelains durant cette période.

par Henri de Surrel de Saint-Julien, Missionnaire Apostolique, ancien Chapelain de Saint-Louis. 1900.

Dans son intéressante monographie de notre église nationale de Saint-Louis des Français à Rome, Mgr d’Armailhacq a résumé, en quelques pages, les événements de la période de 1789 à 1815.
 Nous croyons pouvoir ajouter à ceux contenus dans ses notes historiques d’autres détails qu’il est bon de conserver et qui pourront servir à l’histoire de notre établissement de Saint-Louis. Le Registre inédit des entrées, sorties et paiements des Chapelains (1) nous les fournira.

 On ne s’attend pas à trouver Saint-Louis des Français dans un état prospère à une époque de bouleversements inouïs jusqu’alors et dont le contre-coup se fit sentir à Rome plus qu’ailleurs aussi bien sous la Convention et le Directoire que sous l’Empire. C’est déjà beaucoup que l’établissement national de France ait pu subsister et la Communauté des Chapelains se recruter.

 Peu après la cession de la Corse à la France par les Génois (1768), des prêtres de l’île furent admis à Saint-Louis.
 On rencontre donc souvent, des dernières années du règne de Louis XV et dans la suite, des noms italiens au rôle de la Communauté.

 En 1789, au moment où s’ouvre l’ère révolutionnaire, le Supérieur était M. Michel Petit, prêtre du diocèse de Metz, né le 29 novembre 1714, et entré comme chapelain le 1er mars 1746. Il succédait dans la charge de Supérieur à M. Joseph Aymonin, qui avait occupé ce poste de 1762 à 1769.
 M. Petit gouverna la maison jusqu’ au 1er mai 1794.
 Les Chapelains (2) étaient MM. Louys (Jean-Joseph) du diocèse de Metz, entré le ler octobre 1768 à la recommandation de l’Evêque de Laon, ambassadeur de France à Rome.
 Michelangeli (Pierre-Antoine) du diocèse de Marianna en Corse, entré en janvier 1788.
 Arnavielle (Etienne-Gabriel) du diocèse de Montpellier, entré comme pensionnaire le ler mai 1772, puis nommé Chapelain.
 Barry (Jean-Charles) du diocèse de Marseille, entré comme pensionnaire le 10 décembre 1781.
 Rouault (Félix-Toussaint) du diocèse de Saint-Brieuc, entré le 16 mars 1786.
 Vachet (Jacques-Anselme) du diocèse de Marseille, entré le 1″ mars 1785.
 De Barry (François) du diocèse de Verdun, entré le 22 mars 1786.
 De la Récluse (Bernard) du diocèse de Carpentras, entré le 1er juillet 1770, du consentement du Cardinal de Bernis.
 Fomoli (Jean-Félix) du diocèse d’Ajaccio, entré comme pensionnaire le 4 octobre 1781, puis nommé Chapelain. Il fut fait, Curé de Saint-Louis en 1800 et administra la paroisse pendant 32 ans.
 De Gregori (Antoine-Jean) du diocèse de Marianna en Corse, entré le l5 novembre 1774, alors âgé de 25 ans.
 De Lando (N…) du diocèse de Saiut-Flour, entré le 1er octobre 1780.
 Nicod (Jean) du diocèse de Besançon, entré en avril 1787.
 Colonna (Marc-Antoine) du diocèse d’Ajaccio, entré le 1er septembre 1788.

 Ainsi, la Communauté do Saint-Louis se composait d’un Supérieur et de treize Chapelains, dont quelques-uns entrés d’abord comme simples pensionnaires et appartenant deux au diocèse de Metz, deux au diocèse de Marianna, deux au diocèse d’Ajaccio, deux au diocèse de Marseille, un au diocèse de Montpellier, un au diocèse de Saint-Brieuc, un au diocèse de Verdun, un au diocèse de Carpentras, un au diocèse de Saint-Flour et un au diocèse de Besançon.

 A l’exception d’un seul, nommé par l’Évêque de Laon, tous l’avaient été par le Cardinal de Bernis à qui Saint-Louis doit tant et, en ces jours-là, le calme relatif dont il put jouir. En effet, jusqu’à sa mort, même sans titre politique officiel, ce Prince de l’Église y fit sentir sa protection aussi douce que puissante.

Maintenant que nous connaissons l’état du personnel de notre établissement national en 1789, il nous sera facile d’en suivre la composition pour les autres années, en tenant compte pour chacune des entrées et des sorties.

Années 1790-91.

 Pendant ces deux années le personnel fut le même qu’en 1789, en exceptant M. Antoine-Jean de Gregori, prêtre du diocèse de Marianna, qui était mort le 31 juillet 1789 après avoir reçu tous les sacrements avec édification et pleine connaissance. Il fut enterré le lendemain dans l’église de Saint-Louis.

Année 1792.

 Le 1″ avril, par ordre du Cardinal de Bernis entrèrent trois nouveaux Chapelains, MM. Jean-Baptiste Berbey, prêtre du diocèse de Besançon, François Moutel, du diocèse de Dijon et Louis du Buisson, du même diocèse.
M. François Barry quitta la Communauté cette année-là, de même qne M. l’abbé Even. Celui-ci, du diocèse de Saint-Malo, était entré à Saint-Louis le 22 mai 1782, comme surnuméraire. Il en sortit le 11 mars (1792). M. Jacques-Anselme Vachet en partit aussi, en décembre, pour se rendre dans sa famille.

Année 1793.

 Le 29 juillet, M. Jérôme-Noël Vialar, prêtre du diocèse d’AIbi, entra comme Chapelain, et le même mois M. Berbey sortit de Saint-Louis, où il n’était resté qu’un an.

Année 1794.

 M. François Moutel fut fait Supérieur de la Communauté à partir du 1er mai, par MM. les députés, dans 1a Congrégation tenue le 27 avril, par ordre du Cardinal de Bernis, protecteur, des établissements français à Rome.
 M. Moutel gouverna la maison jusqu’en 1810, où il fut remplacé par M. Alexandre Digne, Chanoine de Sainte-Mario in Vi » Lata, et partit pour la France en 1811.
 Le 29 mai de cette même année 1794, M. l’Abbé de Lando sortit de la Communauté de Saint-Louis, et M. l’Abbé Nicod la quitta le 7 octobre.
 Aucune entrée ni anouno sortie n’eut lieu en 1795.

Année 1796.

 Le 19 août M. Etienne-Gabriel Arnavielle, Chapelain depuis vingt-quatre ans, fut enterré dans l’église. Il était mort âgé de 71 ans.
 Nous n’avons aucun détail sur l’année 1797.

Année 1798.

 Le style républicain est devenu de rigueur même à Rome, et nous apprenons que le 1er avril le citoyen André-Antoine Boudon, prêtre du diocèse de Béziers, département de l’Hérault, est entré à Saint-Louis pour y jouir des mêmes avantages et prérogatives que les autres Chapelains, par ordre du citoyen Vial, général français, commandant la ville de Rome, en date du 9 germinal, l’au VI de la République française, une, indivisible.
 Le 10 avril, le citoyen Jean Vettu, prêtre du diocèse de Dijon, entra comme Chapelain par ordre de l’administration, pour remplacer le citoyen Vialar pendant sou absence.
 M. Vialar, du diocèse d’Albi, s’était absenté de la Communauté le 2 mars avec la permission du Cardinal François-Xavier de Zelada, Visiteur apostolique, ancien Secrétaire d’État.
 Le 21 mai, le citoyen Joseph Boyer, prêtre du département du Vaucluse, entrait à Saint-Louis par ordre du citoyen Joseph Toriglioni, Ministre de l’Intérieur. Sa nomination était signée : Petrarca, chef du Secrétariat, et datée du 27 floréal an VI de l’ère républicaine.

Année 1799.

 Le 2 novembre, la Communauté eut la douleur de perdre un de ses membres les plus méritants, le vénérable M. Joseph Aymonin, Chapelain depuis quarante-six ans, Curé de la paroisse pendant trente-neuf ans et Supérieur de la maison pendant huit ans. Il était âgé de 72 ans. Il fit une mort édifiante, muni de tous les sacrements. Ses funérailles eurent lieu le lendemain, 3 novembre, et il fut inhumé dans l’église qu’il avait si longtemps et si exemplairement desservie.
 Un autre ancien, son fidèle confrère pendant quarante et un ans, M. Joseph Louys, de Thionville, mourut à l’âge de 81 ans, le 19 décembre, et fut également enterré à Saint-Louis, le lendemain de sa mort.
 Deux jours après, 22 décembre, M. Joseph Boyer, du diocèse de Carpentras, quittait la maison, où il était resté environ dix-huit mois.

Année 1800.

 Le 18 janvier, MM. André Boudon, de Béziers, Simon de la Recluse, de Carpentras et Charles Barry, de Marseille, quittèrent Saint-Louis.
 Le 1er juillet, M. Jean Vettu, de Dijon, qui avait été nommé Chapelain en 1798, pour remplacer M. Vialar, absent, lut nommé surnuméraire par le Cardinal de Zelada, pour occuper le premier poste vacant, avec la demi-pension.

Année 1801.

 Le ler janvier M. Pierre Cornus, prêtre du diocèse de Toulouse, entra comme Chapelain, par ordre du Visiteur apostolique.

Année 1802.

 M. Louis du Buisson, de Dijon, Chapelain-économe et chantre de l’église Saint-Louis, depuis dix ans et deux mois, mourut le 11 mai et fut enterré le 13, en présence de ses confrères et de ses amis. Il n’était âgé que de 45 ans.
 Le 14 mai, M. Jean Vetta fut nommé à la place de Chapelain, vacante par le décès de M. du Buisson. Il remercia de sa nomination, le même jour, S. Em. le Cardinal de Laurenzana, Visiteur apostolique.
 Le 19 du même mois, M. Jules Orsini, prêtre du diocèse de Nebbio, en Corse, fut nommé Chapelain par S. Em. le Cardinal de Laurenzana, pour entrer en exercice le ler juin, jour où devait partir M. Jean Vettu pour retourner dans son pays.
 Le 20 novembre entrait à Saint-Louis M. Pierre Declero, prêtre du diocèse de Vence.

Année 1803.

Le 5 juin, M. Hubert-Jean-François Tavernier, prêtre du diocèse de Clermont. fut nommé Chapelain pour entrer en exercice le 15 du même mois et occuper par interim la place de M. Cornus, absent par congé.

Année 1804.

 M. Tavernier quitta la maison le 31 mars.
 Le 5 avril, M. Lanfranco Lanfranchi, prêtre du diocèse d’Ajaccio, en Corse, fut nommé Chapelain par son ami Mgr le Cardinal de Laurenzana, Visiteur apostolique, et entra en exercice le 1er mai suivant.
 M. Pierre Cornus, de TouIouse, qui avait obtenu un congé en 1802 pour aller en France, envoya sa démission de Chapelain et fit ses remerciements le 12 juillet.
 En septembre, Mgr le Cardinal Fesch, Ministre de France, nomma Chapelain M. Pierre Declerc pour entrer en exercice le 1er octobre, et il ordonna par son rescrit que M. Declerc prit dans la Communauté le même rang qu’il aurait eu, s’il avait été reçu comme Chapelain dès l’instant où il fut admis dans la maison en 1802.

Année 1805.

 Le 21 février, M. Michel Petit, ancien Supérieur et Chapelain depuis l’année 1746, mourut à Saint-Louis et fut inhumé dans notre église nationale le 23.
 Le Registre ne nous fournit aucun renseignement sur les deux années 1806 et 1807. Aux comptes bi-mensuels, les signatures du personnel ne varient pas.

Année 1808.

Le 1er mai, M. Jean-Baptiste Lamy, prêtre du diocèse d’Embrun, est nommé Chapelain par M. Lefèvre, chargé d’affaires de France. M. Lamy fut nommé Supérieur en juin 1814. Il exerça cette charge jusqu’en 1820, année où il partit pour la France, le 20 septembre.

 La persécution religieuse qui sévit alors, l’exil et l’emprisonnement de Pie VII, qui laissa la ville de Rome presque sans clergé, au témoignage des Cardinaux qui allèrent trouver le Souverain Pontife soit à Savone, soit à Fontainebleau, marquent les aunées qui suivent cette année 1808, où le Registre finit.
 Il nous serait difficile de déterminer exactement le traitement assigné aux Chapelains. Il fut, à cette époque, payé tantôt en écus romains, tantôt en assignats ou en piastres, monnaies qui subirent de fréquentes dépréciations.
 Le paiement s’effectuait eu règle tous les quinze jours et comportait une moyenne de cinq écus.
 On dit : Heureux les peuples qui n’ont pas d’histoire  ! Les Chapelains do Saint-Louis, s’ils faisaient incontestablement du bien, ne faisaient pas de bruit et vivaient avec toute la régularité possible en des jours aussi troublés.
 La maison de Saint-Louis payait l’entretien de plusieurs prêtres émigrés, logés dans des couvents ou des maisons particulières de Rome, mais elle-même ne donnait l’hospitalité qu’à un très petit nombre. Ainsi l’avait décidé le Saint-Siège, pour de très bonnes raisons que nous avons exposées ailleurs (3).

Ces souvenirs de famille ont leur place tout indiquée dans nos Annales de Saint-Louis des Français et, à défaut d’autres, ils ont un véritable intérêt documentaire.

Henri de Surrel de Saint-Julien
Missionnaire Apostolique, ancien Chapelain de Saint-Louis

Notes :

(1) Archives de Saint-Louis des Français. — Registre des entrées, etc., fol. 57, 58 ; fol. 81, 82, et passim.

(2) Nous avons suivi l’ordre des signatures du Registre.

(3) Voir notre étude sur « l’Oeuvre pontificale des émigrés français et son organisateur Mgr Laurent Caleppi », Annales de Saint Louis. Ière année IIe Fascicule, Janvier 1897, pag.. 327-341.

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