« Tel est aveugle celui qui croyait voir ». C’est ainsi que nous pourrions résumer la page d’Évangile que nous venons d’entendre. En effet, les pharisiens, grands connaisseurs et applicateurs de la Loi, moralisateurs, se disant disciples de Moïse, prétendent ne pas être aveugles, avoir une claire vision de ce que dit la Loi et comment l’accomplir, ils croient être justes contrairement au reste du peuple composé de pécheurs. Cet aveugle de naissance, en particulier, s’il est ainsi, a dû nécessairement commettre quelque péché, lui ou ses parents. Les pharisiens n’ont donc pas de leçons à recevoir des autres et sûrement pas de cet homme-là car ce sont eux les donneurs de leçons.

Ce faisant, tout en prétendant avoir la clé de la connaissance, ils la jettent, n’y entrent pas eux-mêmes dans cette connaissance, refusent la Vérité, et empêchent les autres d’y accéder, quitte à user de menace comme avec les parents de cet homme né aveugle. Ils prétendent jeûner plusieurs fois par semaine, verser la dîme de tout ce qu’ils gagnent, mener une vie parfaite, mais en réalité ils jugent les autres, sont attachés aux mondanités, ne pensent qu’à bien paraître, à obtenir puis conserver une bonne place sociale. Ils sont amis de l’argent, au détriment des autres, en particulier des pauvres et de ceux qui sont rejetés par la société.

Et surtout, fait étonnant, ces prétendus clairvoyants ne connaissent pas d’où vient Jésus, ni son identité réelle. Ils ne veulent pas reconnaître en Lui, le Christ, le Messie, le Sauveur du monde, le Fils de l’homme. Alors à la mesure dont ils jugent les autres ils seront jugés, à jeter dehors cet homme, ils se condamnent eux-mêmes à être jetés en dehors du Royaume de Dieu. Eux qui disent « nous voyons », ils ne voient pas leur propre péché et celui-ci demeure.

Frères et sœurs, ne sommes-nous pas nous aussi, par moments, de ces pharisiens-là ? Ne sommes-nous pas tentés parfois de juger les autres, de croire que nous-mêmes n’avons pas de péché, ou alors pas grand-chose, que nous n’avons pas besoin au fond d’être sauvé car nous appliquons plutôt bien les préceptes de notre religion, ou en tout cas nous ne sommes pas comme les autres hommes qui ne connaissent pas le Christ. Mais le connaissons-nous vraiment, le Christ ?

Car il ne suffit pas de manger et boire avec lui, de communier à son Corps et à son Sang, de prêcher la Bonne Parole, de dire « Seigneur, Seigneur », de faire la morale aux autres, de leur donner des leçons, de vouloir enlever la paille qui est dans l’œil de notre frère, si au fond nous ne voyons pas la poutre qui est dans notre propre œil à nous, si nous prétendons voir alors que nous sommes en réalité aveugles. Nous risquerions alors d’entendre le Christ nous dire, « je ne sais d’où vous êtes ; éloignez-vous de moi, vous tous qui commettez l’injustice » (Lc 13, 27).

Mais ne sommes-nous pas aussi, par moments, comme cet aveugle-né ? Car nous avons nos propres infirmités, nos propres aveuglements, nos propres défaillances, notre propre péché. Nous risquons de croire que nous si nous sommes ainsi, ou alors s’il nous arrive tel ou tel malheur, si nous traversons telle ou telle épreuve, c’est de notre faute, ou de celle de nos parents, ou alors que c’est le « destin », la « vie », ou même Dieu qui s’acharne contre nous. Nous pourrions alors être tentés par le découragement, la dépression voire même le désespoir. Si nous n’allons pas nécessairement jusqu’à attenter à notre propre vie, nous risquons alors de tomber dans une sorte de léthargie, de fatalisme, nous ne croyons plus en une possible amélioration de notre condition, nous nous enfonçons dans les ténèbres, il n’y a plus de lumière.

Pourtant, au plus profond de notre être demeure cette espérance, demeure cette lumière de la foi, demeure cet Amour de Dieu pour nous et ce besoin d’aimer et d’être aimé que nous avons tous, bien qu’enfouis sous le poids de nos pauvretés. Mais Jésus, s’approche, il nous touche, en faisant de la boue avec sa salive, c’est comme s’il nous recréait, nous qui sommes tirés de la glaise du sol. Il nous dit, il te dit : « va te laver à la piscine de Siloé ».

Frères et sœurs, Dieu nous a lavés de la boue du péché par l’eau de notre Baptême, fleuve d’eau vive qui jaillit de son côté transpercé, Esprit Saint qui nous donne d’avoir part à la vie éternelle et fais de nous des enfants de Dieu notre Père. Jésus te demande ce simple acte de foi, de lui faire confiance. Car Dieu ne juge pas à l’apparence mais regarde le cœur, et s’il t’arrive tel ou tel malheur dans ta vie, telle ou telle épreuve, ne t’attache pas tant au pourquoi, à la cause de tout cela, mais regarde le pour quoi, en vue de quoi, le Seigneur permet cela.

Et Jésus de répondre : « Ni lui, ni ses parents n’ont péché. Mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui ». Oui, Jésus, le Christ, le Messie, le Sauveur du monde, le Fils de l’homme, veut manifester les œuvres de Dieu en toi. Oui, toi. Et en chacun de nous. Et en tout homme qui se reconnaît pécheur, qui reconnaît son aveuglement, son besoin d’être sauvé, et accepte de prendre la main tendue que le Seigneur lui tend, et qu’il lui tendra jusqu’à son dernier souffle.

Alors, crois-tu au Fils de l’homme ? Car il est là et il te parle, il est présent dans tes frères et tes sœurs, dans la communauté ici rassemblée, dans l’Église, dans sa Parole, dans son Corps et son Sang. Il est là au fond de ton cœur, prêt à te prendre dans ses bras d’amour, à te relever, à te redonner ta dignité de fils ou de fille de Dieu que tu es réellement. Car par la grâce de ton Baptême, tout en demeurant dans ce monde, tu n’es plus de ce monde, tu es de Dieu, telle est ta vraie identité, telle est ta destinée, telle est ta vraie vie. Alors, crois-tu au Fils de l’homme ?

Père Sébastien PAYET

version pdf

© 2020 Saint Louis des Français | Made by Communauté Saint-Louis-des-Français | Politique de confidentialité