La rencontre de Jésus avec le nommé Zachée

    Alors Jésus dit à son sujet : « Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »

Evangile selon saint Luc 19, 9-10
La messe du 31e dimanche Ordinaire C a été présidée par le Père Guidel MERVIL
Père Guidel Mervil,
Saint-Louis des Français

Frères et Sœurs dans le Christ,

La péricope évangélique selon Saint Luc que nous venons d’entendre nous est très familière et pourtant le Seigneur nous y redit à chaque instant une parole toujours neuve si nous sommes attentifs. Sous la plume de Saint Luc, nous revivons une rencontre très importante pour Jésus au passage vers Jérusalem. Il rencontre le nommé Zachée.

Selon Saint Clément d’Alexandrie, ce surnommé Zachée dans l’Évangile s’appelait Mathias. Il est celui qui a été élu à la place de Judas Iscariote après la trahison et la mort de celui-ci. Les constitutions apostoliques indiquent qu’il aurait été le premier évêque de Césarée nommé directement par les Apôtres.

Grand percepteur d’impôts, collaborateur des Romains, Zachée avait tout pour vivre. De par son rang social, il a probablement côtoyé toutes les grandes personnalités de son temps ou de sa juridiction. Pourquoi voulait-il rencontrer Jésus? Pour faire route ensemble dans un esprit synodal? On ne connait pas trop bien son intention.

On peut se faire bien des idées sur l’intention de Zachée. Il voulait rencontrer Jésus, peut-être par curiosité ou comme espion pour s’enquérir, comme témoin oculaire, de ce que fait ou dit Jésus ? Mais non, ses réactions spontanées par la suite infirment ce préconçu.

L’Évangile nous le dit assez habilement et nous comprenons bien qu’il ne cherchait pas tout simplement à voir Jésus. Il cherchait à voir qui était Jésus. Et c’est bien là la réponse. Nonobstant toutes ses richesses et son grand pouvoir, Zachée ressentait encore un grand vide, un creux dans son cœur ; il avait un désir profond dans son âme. Sa soif véhémente n’était pas encore assouvie. Car il avait tout, sauf l’essentiel. Il possédait toutes les richesses sauf la plus grande. Il a tout possédé sauf le maître de tout : Jésus, le Christ.

Ne voulant pas que ses limites physiques ou l’opinion des autres étranglent son projet, son grand désir de trouver enfin ce qui manquait à sa vie, Zachée a bravé la honte. Il a grimpé le sycomore et s’y est perché. Il ne voulait pas rater l’heure de Dieu, ce kairos, ce temps de grâce. C’était pour lui le rendez-vous avec la parole : Jésus, Verbe fait chair, Parole de vie. Et cette rencontre avec la parole a conduit à la table du partage dans sa maison.

A première vue, grimper le sycomore était un acte très intelligent de la part de Zachée. Il désire voir Jésus (que c’est beau !), mais la foule lui fait obstacle. Il a su créer des raccourcis. Il a grimpé un sycomore. Il a surmonté les obstacles qu’aurait symbolisé ce sycomore. Loin de s’en soustraire, il l’a utilisé comme moyen pour obtenir la grâce de voir Jésus. Nous pouvons contempler ici chez Zachée cette volonté manifeste, sa grande détermination et même son ingéniosité pour se mettre au passage.

Frères et sœurs, il y a autour de nous des situations qui peuvent bien nous empêcher de voir Dieu, de rencontrer le Christ. Soyons intelligents comme Zachée. Nous devons savoir contourner les obstacles dans notre vie spirituelle, trouver toujours des solutions, même les plus difficiles pour faire face aux difficultés qui se présentent à nous. Nous devons faire un effort. Nous ne devons pas rester enfermés dans les murs de la peur, des condamnations, des calomnies et des incompréhensions. Nous ne devons pas laisser le milieu ambiant tuer la foi en nous. Nous devons essayer à nouveau même si nous nous trompons comme Zachée.

N’ayons pas peur de nous tromper, frères et sœurs, au lieu de rester inactifs. Le Pape François, exhorte les jeunes à inventer des moyens de rencontre avec Jésus ; des moyens de conserver et de communiquer la foi. Dans Christus vivit #143, il nous exhorte en ces termes : “Ne devenez pas le triste spectacle d’un véhicule abandonné. Ne soyez pas des voitures stationnées. Prenez des risques, même si vous vous trompez. Ne survivez pas avec l’âme anesthésiée, et ne regardez pas le monde en touristes. Repoussez dehors les craintes qui vous paralysent (…)Vivez! (…) S’il vous plaît, ne prenez pas votre retraite avant l’heure !

Frères et Sœurs, Dieu fait toujours les premiers pas. Il sollicite notre quote-part. “Dieu nous a sauvés sans nous, il ne veut pas nous sauver sans nous”, disait saint Augustin. Zachée ne trouve personne pour le soutenir dans sa démarche, il ne reste pas inactif. Il crée, il invente. Jésus le rejoint sur son arbre de désir. Et rappelons-nous bien : c’est Jésus qui lève les yeux pour voir Zachée. Il a offert à Zachée, non point un regard vindicatif, et même pas répugnant, mais plutôt un regard d’amour. Il le voit et l’appelle par son nom : Zachée.

Aux regards croisés, c’était déjà le début de toute une histoire d’amour. Le regard de Jésus sur Zachée fut un regard qui urge une demeure. Jésus demande l’hospitalité à ce collecteur d’impôts, à ce riche mais pauvre de réputation auprès des juifs.

Descends Zachée, je veux faire route avec toi. Descends vite : c’est plutôt ta maison qui est le lieu de la rencontre. Viens Zachée ! Il faut que je demeure chez toi aujourd’hui. Je veux te rencontrer chez toi, dans ton quotidien, dans tes habitudes, au milieu de tes frères.

Viens Zachée, tu as encore un effort à faire. J’apprécie bien ton effort. Mais cet effort ne doit pas être seulement physique, grimper un arbre. Tu dois compléter ta démarche. Tu m’as rencontré avec les yeux, il faut maintenant me rencontre dans ton cœur. Le lieu de la rencontre c’est bien ton cœur. C’est là que je veux te parler. Le lieu de la rencontre c’est bien ta conscience, c’est là que je veux te dicter les décisions à prendre. Passons à l’autre phase. Descends vite. Point n’est besoin d’inventer l’extraordinaire. Ta petite volonté c’est tout ce que je veux. Il me suffit de voir que je suis vraiment attendu. Maintenant allons dialoguer dans ta maison, qui sera désormais la mienne. Car je veux demeurer avec toi.

Descends de ton sycomore pour rejoindre tes frères, ne sois pas trop haut, descends. Le lieu du rendez-vous avec ton Seigneur, c’est au milieu des autres et non pas dans les hauteurs. Descends de ton sycomore car tu as un témoignage de conversion à donner. C’est de ta maison que commencera ta mission.

Zachée descend, Jésus lui aussi descend. Puisqu’il va manger avec les pécheurs. Il ne retenait pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Il s’est anéanti (cf. Ph 2, 6). Il nous rejoint dans notre condition d’hommes pécheurs.

En effet, Frères et Sœurs, la rencontre de Jésus avec Zachée fut donc une rencontre aimante et transfigurante. Une rencontre séduisante même si l’opinion publique, les amis, les observateurs, n’y étaient pas favorables. Zachée n’avait aucune chance avec l’opinion publique. Mais avec Jésus, il a pu recommencer. Nul n’est jamais perdu pour Dieu.

Si au début Zachée était considéré et identifié comme un riche publicain malhonnête, après avoir accueilli Jésus, il est identifié comme fils d’Abraham, donc héritier de la promesse du salut. Et surtout ne manquons de remarquer que Jésus a sauvé Zachée au passage vers Jérusalem, le lieu où plus tard, il sera mis à mort, enterré et ressuscité. C’est tout l’itinéraire pascal qui y est ainsi insinué. Donc accueillir Jésus, c’est s’ouvrir au salut. « Aujourd’hui, dit Jésus lui-même, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham. En effet, le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.»

Frères et Sœurs, aujourd’hui il est urgent d’accueillir Jésus dans notre vie, dans nos maisons. Venir à l’Église, c’est très bien, c’est la première étape. Mais accueillir Jésus en est la deuxième. N’ayons pas peur d’ouvrir grandes nos portes au Christ. Ne résistons pas à l’appel du Seigneur qui s’invite aujourd’hui à demeurer chez nous. Ne ratons pas ce temps de grâce au passage dans notre temps. Je demande toujours une grande grâce au Seigneur : “la grâce d’être habité par lui pour qu’au soir de ma vie je puisse habite dans sa maison”.

Demandons au Seigneur la grâce de pouvoir transformer comme Zachée nos impuissances en désir constant de le rencontrer ; nos léthargies en synergie et en feu brûlant qui nous urgent à le rencontrer. Demandons-lui la grâce d’avoir toujours faim de lui ; la grâce d’avoir grand goût de Dieu.

Et surtout ne l’oublions pas : le raccourci, le sycomore le plus sûr pour voir Jésus aujourd’hui, c’est le prochain. Ce sont les petits gestes du repentir sincère, les gestes de charité envers le pauvre opprimé et des actions de justice envers le malheureux exploité et désemparé. C’est alors que nous serons capables de rompre le pain et de partager la coupe du Christ, lui qui vient aujourd’hui à notre rencontre dans cette eucharistie.

Père Guidel MERVIL

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