Le 11 novembre est un jour de mémoire pour les défunts de toutes les guerres ainsi que la mémoire de saint Martin de Tours, soldat, moine puis évêque et évangélisateur de la Gaule.

Vous pourrez réécouter et/ou relire l’homélie de Mgr Breguet à cette occasion :

 

Homélie du 11 novembre 2020 – Mgr Breguet

Monsieur l’Ambassadeur de France à Rome,
Madame l’Ambassadrice de France prés le Saint Siège,
Monsieur le Commissaire Général,
Mesdames, Messieurs,
Frères et Sœurs,

En ce 11 novembre nous faisons mémoire des morts de la grande guerre de 14-18, mais aussi des morts de toutes les guerres qui ont suivi : 39-45, Indochine, Algérie, Tunisie, Maroc et de tous ceux qui sont morts en OPEX [OPération EXtérieure, ndlr], au Liban, en ex Yougoslavie, et au Mali.

Le 11 novembre l’Église fête Saint Martin, qui a évangélisé la Gaule. Cette célébration nous rappelle non seulement les racines chrétiennes de la France, mais aussi à Rome le sacrifice de tous ceux qui sont tombés durant la campagne d’Italie pendant la seconde Guerre mondiale et dont des plaques commémoratives ornent les premières chapelles latérales de notre église nationale.

Ces soldats, qui venaient de la Mère Patrie ou des Colonies, n’ont pas hésité à verser leur sang pour sauver la liberté du  peuple de toute la France.

Ceux-ci sont morts pour la défense des valeurs qui fondent notre République : l’idéal de liberté individuelle et collective, l’idéal d’égalité en dignité et en chances, et enfin l’idéal de fraternité, notamment vis-à-vis des plus démunis.

En ce jour où les Français font mémoire des leurs tombés au Champ d’Honneur ; je voudrais évoquer devant vous un fait datant de la fin de la seconde Guerre mondiale, que m’a raconté  Monseigneur BADRE lui-même. Il fût dans la seconde moitié du 20ème siècle Vicaire aux Armées Françaises avant d’être évêque de Bayeux-Lisieux.

En 1945, sur l’initiative de civils et de militaires, dont le jeune aumônier militaire Jean BADRÉ – et le ministre Edmond MICHELET, prés d’un millier de séminaristes allemands prisonniers de guerre furent rassemblés dans un camp près de Chartres pour qu’ils puissent continuer leur formation théologique, durant leur captivité.

Plus de 500 prêtres sont sortis de ce « séminaire des barbelés ».  Formés dans une spiritualité de fraternité entre Français et Allemands. Ils sont devenus des apôtres de la réconciliation, de la coopération, et de la paix nationale et internationale.

Mgr RONCALLI, futur Pape Saint Jean XXIII, qui, comme Nonce Apostolique en France, fit dans ce séminaire sa première ordination, s’exprimait ainsi : « Le séminaire extraordinaire de Chartres est à l’honneur de la France et de la nouvelle Allemagne. »

Mgr SCHIELE, l’un des prêtres allemands devint évêque, et à ce titre il fut invité en 1984 en Normandie par Mgr BADRÉ pour commémorer le quarantième anniversaire du débarquement et la paix retrouvée.

Dans son homélie dans la cathédrale de Bayeux, le 6 juin 1984,  Mgr SCHIELE disait ceci :

« Comme tous les évêques, je porte une croix pectorale et un anneau. Mon anneau et ma croix viennent de Mgr HARSCOUËT, à cette époque évêque de Chartres.

Celui-ci venait souvent au camp pour nous voir et nous encourager. Il était pour nous comme un vrai père. Je me souviens bien que lors de sa première visite, Mgr HARSCOUËT ôta de son doigt cet anneau que je porte depuis mon ordination épiscopale et nous dit : « Maintenant vous avez froid, vous avez faim, vous souffrez surtout de la captivité. Vous souffrez du sort d’un peuple trompé et vaincu. Mais ne doutez pas, car vous avez comme le Christ en croix une grande chance, peut-être une chance unique : il dépend de vous que l’hostilité continue et la haine alors triomphera de nouveau, et nous aurons dans vingt ans la prochaine guerre fratricide, ou bien que vous vainquiez le désir de vengeance, que vous cherchiez l’amitié franco-germanique et que nous travaillions ensemble pour un progrès commun et un meilleur futur.  Alors la croix que vous endurez maintenant deviendra bientôt aussi précieuse que ma croix pectorale. L’obscurité de nos peuples sera éclairée comme cet anneau qui brille. Ainsi votre douleur et la nôtre deviendront l’aurore d’un nouveau temps et nos peuples, dans l’amour du Christ, passeront de la mort à la vie. »

Et l’évêque allemand de poursuivre : « l’Allemagne totalitaire a commis une grande injustice envers votre nation et envers les peuples, les races et les religions du monde. L’Allemagne nouvelle a demandé pardon et demande encore pardon. Mgr SCHIELE achevait son homélie par ces mots : Continuons tous courageusement à travailler pour l’amitié des peuples, pour la solidarité fraternelle et pour la paix du monde entier. »

Frères et Sœurs,

Par leur profonde communion entre eux, ces séminaristes allemands et français ont donné le témoignage de la crédibilité et de l’actualité de l’Évangile pour construire cette paix que Dieu nous a confiée et nous confie comme un trésor!

Leur témoignage est un signe manifeste, parmi tant d’autres dans son histoire bimillénaire, que chaque fois que, dans le sillage de son Maître et Seigneur, l’Église se met au service du monde pour y faire grandir l’homme en lui proposant l’amour de Dieu et du prochain, l’Église en donnant le Christ et son Évangile, rend le monde plus humain.

Frères et Sœurs,

La crise sanitaire du coronavirus à laquelle vient s’ajouter la recrudescence des attentats terroristes islamistes nous rappelle que nous sommes mortels et que la mort fait partie de la vie. Notre Foi en la Résurrection et en la Vie éternelle prend toute sa force dans les situations les plus difficiles !

Beaucoup de nos contemporains sont préoccupés voire angoissés par la situation du monde, et on les comprend.

Notre société est traversée par l’inquiétude et la peur face à la crise économique et sociale à venir. Dans ce climat anxiogène le désenchantement et la morosité pourraient nous gagner si nous n’y prenons pas garde. Face à cet écueil et à ce danger, notre communion fraternelle est un signe fort d’Espérance et un soutien aussi important  qu’appréciable.

La pandémie nous fait prendre conscience que nous constituons une même communauté humaine, que nous partageons le même destin, la même vulnérabilité face au virus et face à la violence aveugle.

Le Pape François nous a rappelé récemment dans sa dernière encyclique « Fratelli Tutti » que nous sommes tous frères en humanité, et donc solidaires les uns des autres et qu’en conséquence la fraternité et l’amitié sociale sont les piliers sur lesquels doit se construire un monde meilleur, où les personnes passent avant les choses, et l’être avant l’avoir.

Frères et sœurs,

Ce qui change le monde, ce ne sont pas tellement les actions spectaculaires. Mais à l’exemple de ces séminaristes de Chartres, nous savons que ce qui change le monde c’est la conversion personnelle de chacun dans la persévérance en vivant un jour à la fois dans la Foi,  dans la prière, dans la loyauté, la bonté, le respect, la compréhension, et la bienveillance fraternelle.

Qui vit de Dieu choisit d’aimer. Et un cœur décidé à aimer peut rayonner une bonté sans limite. C’est le témoignage unanime de tous les Saints que nous avons célébré le 1er novembre.

Qu’à la prière de la Bienheureuse Vierge Marie le Seigneur nous fasse la grâce de recevoir de Lui les dons de son Esprit que sont la lumière et la force pour promouvoir dans la concorde la justice dont le fruit le plus précieux est la paix.

Amen

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