
29 août 2021, Saint-Louis-des-Français
En ce temps de pandémie où nous ne cessons de nous laver les mains ou de les enduire de gel hydro-alcoolique, la discussion de Jésus avec les pharisiens pour savoir s’il convient de se laver les mains avant de manger peut nous sembler un peu surréaliste !
Pourtant, ce n’est pas d’hygiène dont il d’abord question, mais de notre rapport à Dieu et notre rapport aux autres.
Le livre du Deutéronome, notre première lecture, est un rappel que Dieu lance à son peuple pour lui rappeler l’alliance conclue entre eux : Dieu a promis une terre à son Peuple, et il a tenu parole. En revanche, le Peuple lui, a régulièrement trahit cette alliance : il a adoré d’autre dieux, il s’est compromis avec les pratiques des peuples de la région, entre autre en faisant parler les morts, par la prostitution qui se pratiquait dans certains temples voire par des sacrifices humains.
Le Deutéronome est un rappel au règlement : si vous êtes vraiment le Peuple de Dieu, vous ne pouvez pas vivre n’importe comment et les commandements sont là pour le rappeler. On pourrait dire qu’ils sont de deux ordres. Certains concernent la vie en société : pratiquer la justice, ne pas faire de faux témoignage, partager avec celui qui a faim, ne commettre l’adultère… D’autres concerne plus la vie individuelle et concernent toute une série de pratiques, d’habitudes, qui concernent en particulier la nourritures, ce qui est permis ou pas de manger, et la pureté rituelle : ce que l’on peut toucher ou pas et comment se purifier quand on a été souillé.
Ces derniers nous semblent plus extravagants : le christianisme n’a pas repris toutes ces prescriptions. Mais pour les juifs elles sont importantes : il s’agit de se rappeler, tout au long des activités quotidiennes que l’on est le Peuple de Dieu. Ce sont autant de rappels, de nœuds fait à notre mouchoir pour ne pas oublier cela. Se laver les mains, dans cette optique, n’est pas un problème d’hygiène, il s’agit, au moment de passer à table, de se rappeler que l’on fait partie du Peuple de Dieu. Un peu comme la prière du bénédicité ou celle de l’angélus, rappellent au chrétien que « Tout ce que vous faites : manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu. » Comme le dit Saint Paul dans la première aux Corinthiens.
Ces prescriptions rituelles, Jésus ne les méprise pas, au contraire, il les respecte. D’ailleurs, le reproche fait de ne pas s’être lavé les mains avant le repas vise certains disciples de Jésus, et non pas lui-même. Ce que Jésus va reprocher aux pharisiens, c’est d’une part, qu’ils sont plus attentifs à ces prescriptions extérieures qu’à une véritable conversion intérieure, et d’autre part, qu’ils tirent orgueil de leur observation scrupuleuse des commandements et qu’elle débouche sur le mépris des autres. Saint Jacques, dans le passage de son épitre que nous venons d’entendre, rappelle que l’accueil de Dieu ne peut se faire sans humilité : « Accueillez donc humblement la parole de Dieu semée en vous : elle est capable de vous sauver. »
Ce danger de l’orgueil nous menace tous. Nous sommes pratiquants, nous sommes fidèles à la prière, nous sommes généreux dans notre don à la quête, nous sommes dans un mouvement chrétien ou peut-être même dans une communauté… Que sais-je encore ? Tout cela est bon, très bon même. Mais si cela m’entraine à me considérer comme meilleur, si cela me remplit d’orgueil, cela ne sert à Rien. Saint Paul ira jusqu’à dire dans son hymne à la charité, dans la première aux Corinthiens « j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien ».
Mais méfions-nous, que la tentation de l’orgueil ne nous rattrape pas ! Nous pouvons être pleins de nos bonnes actions. Nous avons parfois en confession ce genre d’aveux : j’ai aidé mes voisins, j’ai été gentil avec ma famille, j’ai bien fait mon travail, sincèrement, je ne vois rien que le Seigneur aurait à me pardonner. C’est toujours une manière de dire : Seigneur, je n’ai pas besoin de toi, je suis parfait par moi-même.
Si le Christianisme est la religion de l’amour, elle est avant tout la religion de l’amour de Dieu, contemplé, accueilli et assumé. Quoique nous fassions, qui que nous soyons, nous aurons toujours besoin de la miséricorde de Dieu. Nul ne peut répondre à l’amour de Dieu à la hauteur de ce qu’il nous donne. Nul ne peut se hisser jusqu’à Dieu par ses seuls mérites, mais seulement par le don gratuit de l’amour de Dieu qui ne se mérite jamais.
L’amour du prochain n’est pas une matière à option, et Jésus nous dira même d’aimer nos ennemis ! Mais la façon chrétienne d’aimer, c’est de reconnaitre dans cet amour le signe de la présence de Dieu en nous, et quand cet amour vient à manquer, venir le puiser à la source du Cœur du Christ. C’est que, humblement, nous faisons à chaque Eucharistie.
« Qui entrera dans ta maison, SEIGNEUR ? Qui habitera ta sainte montagne ? » Avons-nous chanté dans le psaume. Le psalmiste y a énuméré quelques-unes des conditions. Mais nous qui connaissons la Révélation dans sa plénitude, nous savons qu’il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’une aiguille que de rentrer dans le Royaume de Dieu, mais que, comme nous le lisons en saint Matthieu au chapitre 19 : « Pour les hommes, c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. »
Être chrétien, c’est faire tout son possible pour aimer son prochain de l’amour même de Dieu et faire Confiance à Dieu pour ce qui nous est impossible. Et rendre grâce pour cela.
Amen.